smic, occasion et virginité
Non. Ce ne sont pas les pesanteurs sociales qui ont fait de K’hal Erras un champion de l’hymen éraflé. Pas plus que le plaisir ne le fait courir après les médailles olympiques. Dans un cas comme dans l’autre, c’est un comportement purement économique, régie par le principe de la rareté qui y est pleinement à l’oeuvre. Voyez donc :
Sa vie durant, K’hal Errass consomme de l’occasion. Dès sa prime enfance, on lui fait porter des vêtements achetés chez le fripier du coin. S’il n’en veut pas, ses parents le somment de choisir entre le fripier et les archives familiales où sont stockés les hardes des aïnés, eux-même achetés chez ce monsieur qu’on gratifie le plus souvent d’un de ces titres usités au seul Royaume des Sens : Ba Hmida, Ba Jilali (papa Hmida, papa Jilali…) à force de les prendre de la sorte , l’on finit par se comporter comme un authentique fils de pute et l’on se met alors à reconnaître à chaque coin de rue un éventuel père putatif. Tout inconnu qu’on croise alors est un ba potentiel quand bien même la couleur de la peau, les traits du visage ne s’y prêtent pas …
Arrivé à l’âge adulte, K’hal Errass ne démord toujours pas de cette propension. Il s’y ferre et s’y accroche l’âme davantage, au point d’en faire sa seconde nature. Son amour indéfectible pour l’occasion est toujours là -et pourrait-il en être autrement quand on est chômeur dans le Royaume des Sens ? ou quand on y est smicard, avec un pet de lapin comme salaire ? Décidément, le décrochez-moi-ça est une bonne adresse, gardée jalousement dans un calepin et qu’on file aux amis en guise de déclaration d’amitié ou d’amour, qu’importe !
K’hal Errass avance dans l’âge. Il est plus que mûr : blet. Ses cheveux deviennent , selon l’expression consacrée, plus sel que poivre. L’esprit de conquête s’émousse à vue d’œil et, chose plus terrible encore, ses mœurs sexuels sont en porte-à-faux avec la religion d’Etat. Même à son âge, il se voit mis au pas d’exhiber un certificat de mariage chaque fois qu’il est accompagné d’une femme. L‘lnterpeller à cet effet devient l’affaire de tout le monde et non pas l’apanage des seules autorités compétentes- au fait, il conteste et l’autorité et la compétence. Il décode cette inquisition dans tous les regards, en filigrane dans les barbes anonymes, et il n’y a pas jusqu’aux enfant qui ne lui courent après, criant tous « aj tafulust i ait darens » (laisse la poule retourner chez ses propriétaires ». les cris cessent d’être une métaphore puérile pour devenir, une fois les enfants semés, la voix des bien-pensants.
A suivre.