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Le Monde Selon Gar
"Progress would be wonderful - if only it would stop." ROBERT MUSIL
Sommes-nous un peuple anthropolâtre?
Sidi Harazem VS Sidi Ali
Published on November 1, 2004 By
GarAmud
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Depuis Ibn Khaldoun, on a coutume de définir le Maghreb comme étant l’aire du couscous et du burnous. Ce dénominateur commun, pertinent s’il en est, aura tenu bon jusqu’au moment où les peuples de cette aire s’étaient réveillés soit sur un territoire qui n’était plus le leur, les maîtres des lieux l’ayant cédé à de nouveaux occupants français, espagnol et italien… Naquit alors le concept d’Etat-Nation après des siècles de non-Etat, la tribu la plus forte se suffisant de razzias en l’absence d’un quadrillage durable du territoire conquis avec tout ce que cela suppose : pouvoir central, administration, imposition … ce n’est donc qu’avec la décolonisation que les peuples de cette aire se sont enfin pourvus de statuts de citoyens qui n’en sont vraiment pas uns : Algériens, libyens, Marocains, Mauritaniens, Tunisiens. Pour se distinguer les uns des autres, chacun en est venu à se découvrir, par-delà le couscous et le burnous, un particularisme quelconque.
Les Mauritaniens tirent leur fierté du fait que leur pays est dit pays d’un million de poètes, les Algériens celui de la Révolution d’un million (et demi) de martyrs, les Marocains pour ne pas être en reste se mettent de plus en plus, il vrai, à présenter leur pays comme étant celui d’un million de marabouts (wali). Inutile de dire que ce sont là des chiffres tout à fait fantaisistes.
Pour les Mauritaniens, cet appelatif n’était au départ qu’une vue d’esprit d’un journaliste égyptien, qui l’utilisa le premier dans un article pour la revue koweitienne « al Arabi ». L’expression est devenue célèbre depuis. Les Algériens, en pleine résistance contre l’occupation française, ont vu une partie de leur élite intellectuelle s’exiler en Egypte. Ces derniers ont dû ramener de leur exil ce superlativisme verbeux dont ces chiffres arrondis sont un des aspects qu’on ne saurait disjoindre du panarabisme nassérien.
Les Marocains font comme dans l’adage : « fais comme ton voisin ou alors change de pallier ». Comme la géographie est têtue, ils étaient réduits à chercher un quelconque superlatif arrondi à faire valoir. Il leur a fallu alors jeter un regard autour d’eux pour réaliser qu’il y avait chez eux le plus grand nombre de marabouts au kilomètre carré. En effet, la pratique du maraboutage est de temps une pratique courante au Maroc, au point le qu’il était cité à ce titre dans les Mille et une Nuits. les Français s’en étaient rendu compte des années avant et des villes avaient été baptisées avec cette eau-là : Louis-gentil, Petit-Jean, Boucheron… A en croire Abdessalam Yacine, des millions de Marocains s’affichent comme Chorfa. Et il va jusqu’à avancer un chiffre tout aussi fantaisiste : 8 000 000 ! or pour être « charif » il faut faire preuve de « haut faits de piété », avoir une baraka … ou alors être reconnu comme descendant du prophète. Pour cela, on brandit un arbre généalogique qui ne tient pas à l’examen.
Nous savons qu’une des nuances entre arabes et berbères est que, dans le temps, les premiers se faisaient faire des généalogies sur mesure, alors que les derniers estimaient que la chose était indigne d’un homme libre et réservaient ce genre d’arbre à leurs seuls esclaves. Nous en sommes maintenant à voir des gens, par exemple de Tafraout, entre autre, jurer leurs saints qu’il sont d’authentiques « igurramen » « équivalent amazigh du mot chérifien », descendants de je ne sais quel autre chérif. Pis encore, ils se sentent offusqués si l’on ne prononce pas leur prénom précédé du fatidique moulay …Cependant, l’histoire du Maroc est émaillée de tribus arabes qui, en quête du pouvoir, s’étaient réclamées berbères pour conclure des alliances avec des berbères et vice versa. Le sens du vent décidait tout le temps qui devient qui …
Cette vénération de l’anthropos a donné lieu à la distorsion de la vérité, allant même jusqu’au mépris de son prochain. Ainsi, quand des gisements de phosphate étaient découverts au Maroc, le Protectorat français n’arrivait pas à convertir les paysans du Plateau de Ouerdigha en mineurs. Ces derniers travaillaient un temps mais désertaient les mines à chaque moussem, par amour pour le calcal( poussière tombale) de Sidi Bouabid cherki ou pour vaquer à temps à leurs occupations initiales, labeur, moisson … ou par endroits à la transhumance. Alors les colons-ethnographes français passèrent à la manipulation : un jour, une rumeur disait qu’une berbère vagabonde, prise pour une prostituée, était persécutée à coups de pierres par les tribus d’Ouled Lebhar . Pour ne pas être lynchée, elle se réfugia dans une grotte d’où elle ne sortit jamais. La légende de lalla Fatna Bent Ahmed était née mais aussi, dans la foulée, le village minier de Boujniba avec en plus la ligne des chemins de fer liant les mines des environs au port de Casablanca, la première du genre au Maroc. La même légende, avec des variantes, circule dans tout le Maroc dont Lalla zninia à Tiznit quoique pour un tout autre dessein…(j’y reviendrais, peut-être)
Cet esprit anthropolâtre peut-être décelé dans plusieurs aspects de la vie quotidienne au Maroc. Le plus patent, à mon sens, est cette cérémonie d’étiquette qu’observent la quasi-totalité des Marocains en présence du monarque : le baisemain. S’y astreindre revient à dire qu’on reconnaît dans Sa personne le descendent du prophète, s’en abstenir équivaut plus à l’exercice d’un des droits de la liberté de conscience : être athée-entre autres. Dans les deux cas de figure la donne ne change point : c’est le Roi du Maroc. Pourtant la chose ne semble pas aussi évidente et l’on se rappelle le tollé qu’avait soulevé le fait que les membres de l’IRCAM (l’Institut Royal de la Culture amazighe) aient tous passé outre cette cérémonie d’étiquette. Les chiens de garde n’attendaient que cela : levée de boucliers, cri au lèse-majesté …là où le premier concerné, le roi, s’était suffit d’un sourire plus que débonnaire, marquant ainsi le passage à la modernité qui s’accommode mal d’une pratique qui a fait son temps.
image de Mr. El Hassan Saissi : le Marchal Lyautey à Boujniba
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Comments
1
island_gurl12
on Nov 01, 2004
Héhé, intéressant...
Du moment que (contrairement à mes ancêtres mélanésiens) vous n'êtes pas un peuple anthropophage...
2
GarAmud
on Nov 01, 2004
rires !!!
il y a mille façons d'être anthropophage , la plus exécrable d'entre toutes est celle de faire peu de cas de la dignité humaine.
3
island_gurl12
on Nov 01, 2004
Aaah exact, exact..... mais tout de même, se bouffer les uns les autres après s'être fait la guerre, c'est pô terrible non plus hein?!
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