"Progress would be wonderful - if only it would stop." ROBERT MUSIL
De la Liberté de Conscience
Published on December 12, 2004 By GarAmud In Misc

Je ne vous apprends rien. L’économie a sa littérature, sa rhétorique propre et ses paraboles : Depuis la Fable des Abeilles jusqu’à la Bouteille sans le Vin en passant par la Main Invisible celle-ci a fait un bon bout de chemin, pour arriver enfin là où elle est: Globale et souveraine. Il ne sert à rien de dire qu’il y va de son itinéraire occidental et qu’il y a lieu d’accuser une distance, celle que nous font prendre notre culture, notre religion, notre histoire et notre façon d’appréhender le monde, d’y être … etc.

L’économie du marché est une et indivisible : « laissez faire, laissez passer » et l’on ne saurait être éclectique à son sujet. De même qu’un Japonais ne se permet pas de dire qu’il pratique un libéralisme à visage bouddhique, un musulman ne saurait se réclamer d’un quelconque libéralisme islamique, sans encourir le ridicule : on ne peut se positionner à équidistance de l’un et de l’autre sans trahir et l’un et l’autre … « faites vos jeux ! » dirait la bouche d’ombre.

Que le PJD (Parti de la Justice et du Développement) fasse de la moralisation de la vie publique sa revendication majeure cela ne devrait déranger personne. Par contre, les postulats religieux qui sous-tendent cette « injonction » quant à eux inquiètent et posent problème. En effet, ce parti, islamiste, entend en appeler plus à la forte demande idéologique du peuple marocain, surtout ses laissés pour compte qu’à une vision politique. Combattre la corruption, dans sa rhétorique , est plus un précepte religieux qu’une mesure rationnelle susceptible d’accroître la productivité, remblayer le credibilty gap crée par des années de mauvaise gestion…Allah maudit le corrupteur et le corrompu nous disait-on mais l’on se donnait jamais la peine d’ajouter que le premier pas pour combattre cette incurie est de payer ses impôts rubis sur ongle. Mais dans sa grille de valeurs, le dîme passe avant l’impôt.

Nombreuses sont les autres « injonctions » pjdistes, je citerai celles qui font les choux gras de son organe éditorial à savoir l’islamisation du secteur bancaire et l’interdiction des boissons alcooliques… Pour la première, on ne leur dira jamais assez qu’il est impossible d’asseoir une économie, %100 islamique, qui ne serait pas traversée de part et d’autre par le capitalisme mondial avec tout ce que ce vocable charrie de connotations diamétralement opposées à ladite injonction.

Pour l’autre précepte religieux, l’interdiction des boissons alcooliques, force nous est de convenir de la réussite du PJD -une réussite sournoise devrais-je ajouter. Le parti a crées des jalousies au sein du parlement au point de voir d’autre partis lui emboîter le pas dont les partis dits démocratiques et progressistes. Dès lors, Il est devenu de bon ton de crier mort au Bacchius et au Brandicus, au vin et à la bière qu’aucune personne n’ose plus leur porter ne serait-ce une ombre de contradiction… l’atmosphère ainsi créée me rappelle curieusement celle connue aux USA voilà un siècle. Au fort de la Prohibition, les « ivrognes » de l’époque allaient s’embrigader dans des sectes religieux qui faisaient de l’alcool un précepte obligatoire. Les Etats-Unis d’alors leur en laissaient le loisirs pour autant qu’ils soient munis d’une carte d’adhésion à une des sectes en question… un siècle après, nous y voilà au Maroc, grâce en soit rendue au PJD. Les bars ont cessé d’être ce qu’ils sont partout dans le monde : un lieu où on vide les bouteilles des étagères dans les WC pour devenir un haut lieu d’un culte inédit au Maroc : LA LIBERTE DE CONSCIENCE.







Comments
on Dec 12, 2004
Vendredi matin, une chronique sur France-Culture d'Alain-Gérard Slama, esprit brillant et résolument à droite... Il évoque les difficultés du Maroc qu'il rapproche de celle de l'Algérie en les attribuant, pour ces deux pays, à la très grande pauvreté. Il fait remarquer que la Tunisie n'est pas un pays dans lequel il y a davantage de liberté mais que le pouvoir en place a choisi de combattre avec des moyens importants la très grande pauvreté en s'appuyant sur la bourgeoisie d'entreprise qu'il a amenée, par divers moyens, à investir dans des entreprises... Alors qu'au Maroc, les élites, dit-il, pensent surtout à maintenir leurs avantages et leur excellent niveau de vie, oubliant totalement la grande majorité des habitants, laissés à leur ignorance et à leur dénuement. Il voit là la raison à la stagnation économique du pays...

Je ne sais que penser de cette analyse (je me méfie un peu de ce chroniqueur, mais je le trouve intéressant!)

Concernant la question de l'interdiction du vin, cela me rappelle, par contradiction, les sonnets d'Omar Khayan, "Rubayat" célébrant le vin et la boisson... Est-il lu et apprécié dans votre pays ?

"Nous ne quittons le verre de vin ni le jour ni la nuit ;
Nous ne laissons en paix les filles ni le jour ni la nuit ;
Sin nous sommes ainsi, c'est que Dieu nous fit ainsi ;
Nous sommes avec le vin, avec les filles, avec Dieu, jour et nuit"
(Omar Khayan 1040-1125, traduction en français d'Armand Robin, Editions NRF Poésie Gallimard)
on Dec 12, 2004
-Dans mon pays la seule personne qui ose déclamer encore les vers d'Ommar est "oum kalsoum" (une chanteuse égyptienne) ... au demeurant, Ommar a mauvaise presse chez nos pédagogues, les manuels scolaires en sont tout bonnement absents, expurgés ...
-je suis d'accord avec Alain-Gérard Slama ... et sur bien d'autres choses encore
on Dec 12, 2004
Concernant la postérité d'Ommar chez vous : je ne savais pas... Je suis assez étonnée.

Ici, sans être réellement populaire, il est considéré avec respect dans le monde des lettres, surtout à cause de la modernité de ses sonnets, et son oeuvre est rééditée régulièrement, "en vente dans toutes les bonnes librairies"...

Ceci dit, en France, jusqu'en 1985-1990, les manuels scolaires étaient aussi expurgés : on censurait sans honte "Gargantua" et autres oeuvre de Rabelais jugées vulgaires... Lui aussi évoque "la dive bouteille" comme symbole de la connaissance !

(ceci dit, je pense que l'alcoolisme est un fléau et une autre façon d'abêtir les gens pour les faire tenir tranquilles... Donc, ne pas se méprendre sur mon goût pour le vin... à dose modérée!)
on Dec 12, 2004
Le problème ici c'est qu'on "focalise" trop son regard sur les passages jugés impies ... alors qu'il serait mieux de s'en tenir à des tirés-à-part qui donnent à voir la spiritualité du poète , son "soufisme" ... mais bon !
d'accord avec les effets pervers de l'alocool, mais voilà : on en profite pour placer tout le monde sous sa tutelle, son droit de regard ... et c'est là le propre du totalitarisme; l'intégrisme religieux en est la forme la plus accomplie ...
on Dec 12, 2004
_samantdi_
N'exagérons rien!!! L'analyse de Salma est un lieu commun,vraiment galvaudé...Je pense k'on fausse le débat avec ce genre d'allégations...la soi-disante prospérité économik de la Tunisie n'est k'une illusion d'optik...les tunisiens galèrent come d'ailleurs les marocains et les algériens...Faut juste jeter un coup d'oeil sur les chiffres eco des 3 pays pour s'en apercevoir!!!Avancer k'on peut être aisé et soit-disant libre ou pauvre et un peu libre n'est k'un apriorisme littéraire...les 3 pays sont la merde...il faut cesser de colporter ce genre d'argutie!!! surtout chez les européens...
_garamud_
Liberté de conscience ds les bars...la seule entité k'on oublie ds un bar cé sa conscience,tu sais très bien de koi je parle...Puis a nuit,tu sais, tous les chats sont gris...
on Dec 13, 2004
Marouki>> il va falloir que nous nous expliquions ... tu as une idée?
on Dec 13, 2004
Mar'Ouki : "Avancer k'on peut être aisé et soit-disant libre ou pauvre et un peu libre n'est k'un apriorisme littéraire"... Tu peux développer ? Mon but n'est pas de polémiquer mais d'échanger, or, je ne comprends pas ce que tu dis là.

"il faut cesser de colporter ce genre d'argutie!!! surtout chez les européens..."

Peut-être les colporterions-nous moins si des voix maghrébines se faisaient entendre. Mais j'ai beau tendre l'oreille, je n'entends pas grand chose.

C'est justement pour cela que je lis ce blog, pour entendre la voix des gens concernés. Il faut sortir du langage SMS et proposer des arguments si on veut discuter, non ?
on Dec 13, 2004
La tunisie est loin d'être un oasis de prospérité.la preuve, l'émigration clandestine parmi les jeunes...Poussons le raisonnement jusk'au bout,si c'était aussi prospère,pourkoi Ben Ali ne donnerait-il pas libre cours à l'épanouissement du peuple tunisien en termes de libertés et de démocratie???l'enjeu ne serait-il pas facile à aborder puisqu'il n'a rien à perdre??? Au contraire,sa crédibilité y gagnera à tous les égards...
En Tunisie,ily a une absence presk totale de la société civile.Au Maroc,on constate une certaine dynamique interne qui survole toutes les préoccupations et les aspirations du citoyen marocain... c'est loin d'être parfait!!!
Par ailleurs,la lecture de Salma ne peut que crédibiliser davantage le régime tunisien en place,et donc porter préjudice aux vocations déomcratiques du peuple tunisien...Rappelez-vous la dernière visite de Chirac en tunisie ,en 2003,la presse racontait quasiment la même salade,à klk exceptions près,le 11 septembre ds les esprits;c'était mal vu par les tunisiens qui ne voyait en Chirac k'un fervent blanchisseur.La France, pour asseoir son rang,ne manquait pas de brasser large,surtout du côté des tyrannies molles...
Vous n'avez pas à tendre l'oreille,il suffit juste de suivre la presse sur le net pour se rendre compte de l'actualité au Maghreb...Branchez-vous sur w.telquel-online.com par ex...y en a d'autres... bonne navigation alors!!!