A chacun selon son faciès
Parce que le Maroc est un Etat musulman, le vin, la bière, l’eau-de-vie, les spiritueux …ne doivent pas y avoir en principe droit de cité. Pour ce faire, il y a une circulaire émise par le Ministère de l’Intérieur où la vente des boissons alcooliques est permise aux seuls « non musulmans » sic. Sur le tas, cela veut dire que quand on appréhende un Marocain ivre ou seulement en possession de quelques kils, on le condamne ainsi que le débiteur de boissons alcooliques qui lui a vendu la marchandise. Ce qui est récurrent dans un pays comme le Maroc où la vigne est à ce point enracinée dans le sol du pays qu’il en reste quelque chose dans la langue … française ! Là où un viticulteur français parle de « sarment », un Berbère du moyen atlas vous dira : « assermo » son équivalent. !!!
Mais en principe seulement, les zélateurs de Bacchus et de Brandicus y trouvent tout de même coupe à leur soif … mais à quel prix ?
Comme toutes les lois hypocrites, celle-ci, même maquillée en circulaire, donne lieu à une aberration. Aux débiteurs de boissons alcooliques elle donne l’autorité discrétionnaire de juger qui est musulman de qui ne l’est pas ! Personnellement, il m’était donné, étudiant encore, d’user de cette autorité. J’allais chez un cousin, débiteur de ces boissons, arrondir mes fins de mois chez lui, dans le magasin. Là, je m’étais rendu compte de l’immense pouvoir et du plaisir qui allait avec que me conférait cette circulaire à statuer ainsi, d’après le faciès, qui est musulman de qui ne l’est pas. L’exercice était loin d’être facile et il m’arrivait de prendre pour étranger un gentil monsieur originaire de Ouarzazate ou de Sidi-Kacem simplement parce qu’il avait le yeux verts et bourgeoisement habillé … dans le doute je m’abstenais et demandais sa carte d’identité au candidat à la cuite. Cela arrivait mais seulement quand le client « pétait » plus haut que son c... c’était là ma façon à moi de l’emmerder… mais la circulaire c'est la circulaire.
Pire encore, l’application de cette circulaire se faisait, dans ses modalités, selon le bon vouloir du gouverneur. Il était même arrivé qu’un ex gouverneur de Kenitra était à la Mecque et une fois de retour avait obligé les débits de boissons alcooliques de n’ouvrir qu’à raison de quatre heures par jours, deux le matin et deux après-midi, parce qu’il ne buvait pas, lui … il en est encore ainsi à l’heure qu’il est. Les gouverneus se sont succédés aux gouverneurs mais à 19 heures, les débits de boissons alcooliques ferment et pour boire il faut ou aller dans un bar pour étancher sa soif sur place, ou se déplacer vers Rabat pour ses emplettes, à moin qu'on ait une bonne adresse : un garrab (bootlegger à la marocaine)