Chaque jour ce spectacle, à deux mètre de mon magasin : une chienne se soulage patte contre mur. Je vous livre la scène in praesenti tempore parce que je ne m’avise jamais à temps de sa présence, autrement je l’en aurai dissuadée, à la marocaine. La mienne : Un coup de pierre. Mais elle, une bergère allemande, avait un Marocain pour maître qui lui assure le guet pendant qu’elle s’y met. La chienne ! Le Marocain !
-Ici !
Je sors pour regarder. l’air outré, l’arcade sourcilière crispée en gros point d’interrogation …
-vous savez ?les chiens …. Dit le Marocain
- oui tout à fait , les chiens …. Je réponds.
Les deux s’en vont … mon regard avec, sidéré …
Plus désagréable que les relents qu’occasionne le passage de la chienne, les brûlures du questionnement : Pourquoi est-ce qu’elle marque ainsi son territoire, son Lebensraum ? Étant chienne et non pas chien ! Je me pose et repose la question jusqu’au jour où un autre chien, un roturier celui-là, s’y met lui aussi, à la même place et dans les mêmes modalités. La patte arrière contre le mur. Contrairement à l’Allemande, le Marocain s’y prend seul ; la chose semble couler de source chez lui qu’il ne sollicite le guet de personne. Je le regarde faire en tirant profondément sur ma cibiche, tout en cherchant désespérément des yeux une pierre, je n’en trouve pas et me compose une figure de démuni, incapable là encore d’intervenir … la bête se soulage tout en me fixant des yeux, je la regarde faire de mon côté et, je ne sais pour quelle raison, je me dis à haute voix, si seulement je pourrais savoir pourquoi est-ce que les chiens s’y prennent-ils de la sorte, patte contre mur
-tu n’as qu’à demander, dit le chien sur un ton sûr, sans discontinuer …
-quoi ? Tu parles … ?!!
-oui … cela te dérange ?!!
-Non au contraire !!! mais j’aimerais bien que tu me dises pourquoi, vous, chiens, vous ne pouvez pisser que la patte arrière contre le mur ? Voilà ma question !
- Est-ce vraiment une question ! tu dois savoir que le tic remonte à une époque bien lointaine, antédiluvienne, du temps des prophètes et des patriarches …notre ancêtre, Dihvé qui était le chien préféré de Noé avait vu son père périr, écrasé sous un mur au pied duquel il venait de pisser sans prendre cette précaution : caler le mur de sa patte arrière. Depuis tous les chiens y vont de ce geste en hommage à Dihvé et de peur que le mur ne s’éboule sur eux.